Le Grand Meaulnes, Alain-Fournier

Enfin ! Oui, enfin une nouvelle chronique du Challenge « Cette année, je (re)lis des Classiques ». Le Grand Meaulnes d’Alain-Fournier raconte des aventures pas très classiques. J’ai acheté par inadvertance la version abrégée/jeunesse, et bonne surprise : le rythme m’a véritablement immergée dans les aventures du Grand Meaulnes. Comme à l’accoutumée, on démarre avec un résumé personnel.

Les péripéties du Grand Meaulnes

Le narrateur est le fils de l’instituteur M. Seurel, et il comprend dès les premiers instants de sa rencontre avec un nouveau pensionnaire, que celui-ci va bouleverser sa vie d’écolier du village de Sainte-Agathe dans le Cher. Ce partenaire, c’est le Grand Meaulnes : un tempérament de meneur et d’aventurier qu’il met en œuvre à peine débarqué dans son nouvel environnement. Au hasard de bribes de conversations entendues, il se lance le défi d’aller chercher les grands-parents du narrateur à la gare de Vierzon. Comme il ne connaît pas les environs, il se perd et c’est là commence la grande aventure à l’origine du reste du récit.

Alors que son âne s’est échappé, Augustin Meaulnes aperçoit une vaste demeure et songe à s’y glisser en quête d’un peu de sommeil. Mais il comprend qu’il arrive en plein milieu d’une célébration de mariage. Il participe aux repas, assiste aux festivités, et surtout fait la connaissance d’Yvonne de Galais au cours d’une promenade en barque organisée dans le cadre des festivités. Un véritable coup de foudre. En rentrant au domaine, il tombe sur le frère de celle-ci, qui n’est autre que Frantz de Galais. Le jeune homme devait se marier, mais sa fiancée, Valentine Blondeau, ne viendra pas. L’amoureux éconduit part en laissant un mot et les invités finissent par quitter le domaine, comprenant que le mariage n’aura pas lieu.

Alors que Meaulnes a retrouvé les bancs de l’école, il se montre préoccupé et Francois Seurel devine son obsession : retrouver le chemin de son aventure passée et revoir cette femme. Augustin Meaulnes ne quitte plus son atlas, mais impossible de retracer le parcours effectué par hasard vers le fameux domaine. Il sort de l’impasse grâce à un bohémien récemment installé sur la place du village et qui n’est autre que…Frantz de Galais. Le jeune homme désespéré a en effet pris la fuite et mène désormais une vie de nomade qui n’a plus grand-chose à voir avec son milieu d’origine.

Apprenant qu’Yvonne vit désormais à Paris, Augustin part y étudier dans l’espoir de la retrouver. Malheureusement, en vain. Alors qu’il ne donne pratiquement aucune nouvelle à son ami, celui-ci, devenu instituteur, fait la connaissance de la fameuse Yvonne de Galais grâce à sa tante. Il retrouve alors Meaulnes, qui la demande en mariage. Mais les retrouvailles seront de courte durée car l’aventurier est rattrapé par sa vieille promesse envers son beau-frère : retrouver Valentine. Il part donc remplir sa mission, avec l’accord de sa femme.

François Seurel devient l’ami d’Yvonne, tombée enceinte, et du père de celle-ci. Désireux de comprendre pourquoi Meaulnes a ainsi été « poussé » à repartir, il fouille dans ses affaires et finit par trouver son journal intime. Il découvre que Meaulnes a flirté avec Valentine lors de son séjour à Paris, sans savoir qui elle était. Mais il la quitte à l’annonce de son identité. C’est donc mû par le remords et le sens du devoir que Meaulnes, fraîchement marié, est reparti à sa recherche.

L’accouchement se passe très mal et la pauvre Yvonne succombe à une embolie pulmonaire. Son père meurt lui-aussi peu de temps après. François, héritier de la maigre fortune des de Galais et du domaine, s’occupe de l’orpheline. Mais Augustin finit par revenir, prend son enfant dans ses bras, et c’est sur cette scène finale que François comprend : il repartira bientôt pour de nouvelles aventures, avec sa fille.

Mon avis

Cette lecture a été un vrai régal. Même si les aventures du Grand Meaulnes s’adressent avant tout à un lectorat de l’âge du héros, l’adulte que je suis a dévoré ce roman. Le style est épuré et délicieusement suranné, ce qui rend la lecture extrêmement rapide et agréable. Les pérégrinations chevaleresques d’Augustin nous emportent, car c’est l’histoire d’un écolier qui tombe amoureux d’une jeune fille et fera tout pour la retrouver, puis d’une promesse à un ami lui-aussi amoureux, le tout narré par son ami qui l’admire tant. Ce point de vue original ajoute d’autant plus de mystère et de suspense au récit que le narrateur, qui n’est ni omniscient, ni le héros du roman, tour à tour ignore et découvre les choses.

Des aventures en poupées russes

Une fois le livre définitivement refermé, on s’aperçoit que le rythme si haletant du récit vient de l’emboîtement des aventures. La première est déclenchée par un pur hasard, puisque Meaulnes se perd. Puis il restera obsédé par cette jeune femme dont il est tombé amoureux, et c’est en tentant de la retrouver qu’il sera emporté par une nouvelle aventure, à la fois grâce/à cause de la rencontre avec Frantz le bohémien et grâce à/à cause de celle de Valentine à Paris. À peine la première aventure terminée et le « problème » résolu, la deuxième – qui se profilait dans la solution même de la première – doit être vécue. Le fortuit s’invite partout : Augustin Meaulnes tombe sur le domaine, il tombe sur le bohémien qui s’avère être Frantz de Galais, il tombe sur la future mariée échappée alors qu’il recherchait une autre femme, et enfin François Seurel – sa seule contribution, mais quelle contribution – tombe sur Yvonne de Galais par l’intermédiaire de sa tante, qui a même hébergée la pauvre Valentine désemparée. C’est un puits sans fond : chaque aventure contient la suivante. Et la scène finale fait comprendre au lecteur qu’il n’en sera plus jamais autrement de la vie du Grand Meaulnes, papa ou pas !

Aventures romantiques sur fond champêtre

Autre aspect qui m’a plu : le décor. Les aventures se passent en Sologne, la région d’origine d’Alain-Fournier, et toutes les scènes champêtres qu’elle abrite m’ont cueillie. Cette ambiance villageoise où tout le monde se connaît, se déplace en charrette ou à dos d’animal, cette école communale où les petits paysans et artisans viennent humblement – et plus sérieusement que n’importe quel fils de cadre d’aujourd’hui – apprendre, cette saynète de baignade dans le Cher qui marque les retrouvailles d’Augustin et Yvonne, bref, tout est délicieux. J’ai évoqué plus haut le charme suranné du style, mais il est indissociable de celui de cette toile de fond modeste et familière – remarque qui n’engage que moi, puisque j’ai grandi près de cette région – de la vie campagnarde de ce début du XXe siècle. Mais attention, pas d’idéalisation de la nature à tendance romantique, ni de descriptions champêtres sans fin. Nous sommes au XXe siècle, et dans un roman très réaliste, sans toutefois s’inscrire dans un quelconque mouvement littéraire. Dans Le Grand Meaulnes, les hameaux et villages sont directement inspirés de la réalité, les personnages sont de chair et d’os et seules les aventures sont romanesques. Des histoires dans une histoire – ou une histoire qui se décompose en histoires ? – romanesques et romantiques, le tout sur fond identifiable et visualisable : ce livre se lit comme un vieux bonbon au caramel des grands-parents.

11 réflexions sur “Le Grand Meaulnes, Alain-Fournier

  1. J’ai essayé une fois il y a longtemps et je n’avais pas accroché ! La version abrégée que vous avez lu a sans doute aidé… Il faudra que je réessaie un de ces jours… Merci pour cette participation !

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  5. JC Paillous

    Bonjour,
    J’ai relu ce roman il y a peu, et l’enchantement connu jeune ne s’est pas vraiment reproduit, excepté la scène d’anthologie de la grande fête folle, ce qui m’a partiellement déçu (avec une grosse cinquantaine d’années d’intervalle quand même.)
    Jean-Claude

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    1. C’est fort probable. C’est vraiment un roman d’aventures pour culottes courtes et la seule façon d’en être enchantée à l’âge adulte est de se remémorer cet esprit aventurier, cette flamme de l’enfance. Or cela ne marche pas à tous les coups.

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